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Sauvegarde des archives des consultants de la coopération : découvrez le projet!

Interview de Camille al Dabaghy

Maîtresse de conférences au département de science politique

Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis – Cresppa-LabToP

Mme Camille Al Dabaghy, Maîtresse de conférences au département de science politique de l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis et chercheure au Cresppa-LabToP, a contacté l’AFECTI concernant un projet de recherche autour des « Archives privées de l’aide au développement ». Elle nous en dit plus.

Bonjour Camille, c’est un plaisir de pouvoir échanger avec vous sur vos perspectives de recherche autour de l’aide au développement, et plus précisément, autour de la production de ses consultants. Pour commencer, pourriez-vous nous dire quelques mots sur votre activité de recherche ?

Mes recherches portent sur l’aide au développement et son histoire. Ma thèse portait sur les appuis apportés aux réformes de décentralisation et au gouvernement municipal des villes à Madagascar depuis l’indépendance. Actuellement, je travaille la structuration des marchés de l’expertise européenne et malgache en matière de décentralisation et développement local à Madagascar, sur l’évolution des pratiques et carrières professionnelles des consultants européens et malgaches depuis l’indépendance.

Vous avez contacté l’AFECTI concernant un projet de recherche visant à sauvegarder et mettre en valeur les « archives privées de l’aide au développement ». Comment a émergé ce projet, quelles en sont les parties prenantes et de quoi s’agit-il plus précisément ?

Au détour d’une conversation, une consultante avec laquelle j’avais échangé durant ma thèse m’a expliqué qu’elle ne savait pas quoi faire de ses archives personnelles maintenant qu’elle était à la retraite. Je connaissais le soin avec lequel elle avait patiemment collecté de la documentation sur ses thématiques de travail, l’engagement professionnel avec lequel elle avait écrit et défendu ses rapports. Imaginer tout ça partir à la benne était un crève-cœur, pour elle et pour moi.

Après cette conversation, j’ai simplement réalisé qu’elle ne devait pas être la seule. Les archives des premières générations d’experts et consultants étaient sur le point d’être perdues alors que les années 60, 70 et 80 ont été décisives dans l’histoire de l’aide publique au développement.

Qui pouvait accueillir les archives privées des consultants, sachant que ces archives sont le plus souvent exclues des archives départementales et des archives des organisations internationales ? J’ai contacté l’AFD, puis les Archives nationales et les Archives diplomatiques. Et reçu un écho très favorable. Oui, c’est vrai, les archives privées des politiques internationales, c’est un angle mort. Et oui, c’est un réel enjeu pour les institutions archivistiques de leur faire une place. Et encore oui, il y a urgence. Des initiatives mémorielles sont d’ailleurs déjà engagées par un réseau informel d’anciens et anciennes du feu-ministère de la Coopération.

L’idée serait de construire un réseau d’institutions archivistiques pouvant accueillir les archives privées de l’aide française au développement. Concrètement, il s’agit de les trier, les cataloguer, assurer leur conservation matérielle, peut-être en partie leur numérisation, et assurer leur accessibilité au public, notamment aux chercheurs du Nord et du Sud, en fonction bien entendu des règles de droit idoines. La priorité, ce sont les archives des consultants. À terme, on peut espérer inclure les archives de certaines associations et bureaux d’études.

L’AFECTI a récemment numérisé différentes archives internes de la période 1960-1975, auxquelles les membres ont maintenant accès, témoignant d’une préoccupation partagée pour sauvegarder cette « matière historique ». Selon vous, en 2023, quelle peut-être l’utilité de disposer de cette mémoire de l’aide au développement ?

D’abord, j’y vois un intérêt pour les membres actuels de l’AFECTI. Je les imagine curieux de connaître l’histoire de l’association à laquelle ils et elles adhèrent ! Notamment ses liens avec les autres organisations du champ de l’assistance technique, le métier et les enjeux tels qu’ils étaient perçus à cette époque charnière du développement.

Du côté de la recherche, les archives des consultants sont une mine d’or ! On y trouve de quoi reconstituer l’histoire de l’aide internationale elle-même, mais aussi de quoi écrire l’histoire des politiques publiques des États Suds. Les membres de l’AFECTI savent à quel point la documentation qu’on peut trouver dans les ministères Sud est maigre. On y trouve aussi des matériaux pour comprendre comment certaines solutions et expériences (en matière d’hydraulique villageoise, de fiscalité locale ou d’éducation primaire) se diffusent de terrains d’intervention en terrain d’intervention, sont érigées en modèles à suivre, reprises avec plus ou moins d’adaptations ? Quels réseaux et groupes professionnels peuvent être considérés comme des vecteurs de ces expériences et modèles ?

Les questions qui m’intéressent moi plus directement concernent le travail des consultants. Comment construisent-ils leurs carrières ? Comment évoluent leurs conditions de travail et d’emploi au fil de l’histoire ? Comment évoluent leurs méthodes de travail ? Leurs contraintes ? Le sens qu’ils et elles donnent à leur travail ? Qu’est-ce qui explique l’émergence, la croissance, la fusion ou la disparition de tel ou tel type de bureaux d’études, que ce soit au Nord comme au Sud ? Ce sont non seulement leurs rapports qui sont ici précieux (dans leurs versions successives !), mais aussi leurs correspondances, contrats, « termes de référence », CV, collections de cartes de visite, notes de terrain, leur documentation et leur bibliothèque… Il est temps, je pense, d’accorder une plus grande attention à ces acteurs décisifs de l’aide au développement : dans les travaux de recherche où ils disparaissent le plus souvent sous les étiquettes « intervention de la Banque mondiale », « programme de la Coopération française », etc.

Aujourd’hui, à quel stade se situe le projet et de quelle participation attendez-vous de la part des membres de l’AFECTI et, plus généralement, des consultants travaillant dans le domaine de l’aide au développement ?

Nous en sommes à la deuxième étape.

La première étape a été de constituer un groupe de travail avec l’Agence française de développement, les Archives nationales, les Archives diplomatiques et les Archives d’outre-mer. Sa vocation est de concevoir une stratégie de conservation de ces archives privées de l’aide française.

La deuxième étape, en cours, vise à déterminer ce que représentent concrètement ces archives des consultants. Nous avons inventorié des premiers fonds. Je lance maintenant une enquête en ligne pour déterminer combien de consultants seraient d’accord pour donner leurs archives, à quelles conditions, et à quel volume s’attendre. Je propose aux membres de l’AFECTI d’y répondre s’ils ou elles disposent d’archives papier plus ou moins anciennes ! N’hésitez pas à entrer en contact avec moi et à faire circuler ces informations auprès de quiconque pourrait être intéressé.

Les étapes suivantes consisteront à finaliser les processus d’instruction des propositions de dons au sein du groupe de travail des archives privées de l’aide française au développement. Puis d’accueillir les premiers dons !

Merci Camille pour cet échange. Nous invitons tous nos membres et sympathisants intéressés à participer au sondage grâce au lien ci-dessous. Au plaisir d’un futur échange autour des suites de ce passionnant projet !

Accédez au sondage en cliquant ici

Découvrez la présentation détaillée du projet de recherche en cliquant ici.

En savoir plus sur le Cresppa/LabToP : https://www.cresppa.cnrs.fr/labtop/

 

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